La vie ailleurs

A quelques mois de mon grand déménagement, je me dis qu'il faut que je consigne quelque part tout ce qui se passe, pour le partager avec vous mais aussi pour m'en souvenir plus tard, quand ces jours et ces mois seront révolus depuis bien longtemps. 

Depuis que nous nous connaissons, Abdallah et moi avons du nous poser cette vilaine question: mais où allons-nous nous installer? 

Pour Abdallah, il n'y a pas le choix. Il doit rester à Jérusalem s'il ne veut pas perdre son droit de résidence là-bas. Je n'ai absolument pas l'intention de faire de ce blog un blog de dénonciation de l'occupation, mais il faut bien que j'explique de temps à autres ce qui entre dans la composition du pain quotidien d'un habitant de Jérusalem. 
Je l'ai déjà expliqué des tas de fois à qui veut l'entendre, mais pour ceux qui n'ont pas encore eu droit à mon laïus, voici un petit récapitulatif: 

Abdallah est né à Jérusalem. 
Ses parents sont nés à Jérusalem. 
Ses grands-parents et arrières grands-parents (à l'exception d'une grand-mère originaire de Damas en Syrie) sont nés à Jérusalem. 
Pourtant, il n'est ni israélien ni palestinien. Il n'est pas palestinien parce qu'il n'habite pas "de l'autre côté du mur", et il n'est pas israélien parce que... parce qu'il n'est pas israélien. Il n'a pas la nationalité israélienne et n'a qu'une "carte de résidence". Comme il le dit souvent, lui et les autres arabes post-guerre des six jours sont des prisonniers de guerre qui vivent dans un cachot à ciel ouvert. S'il quitte Jérusalem pour quelques années, l'état israélien lui reprendra sa carte de résidence et révoquera à jamais son droit de vivre dans sa ville natale. 

J'arrêterai cette courte explication ici, mais prendre conscience de tout ça était en tout cas suffisant pour que je réalise très rapidement qu'il ne pourrait pas venir vivre en Belgique de sitôt et que c'est moi qui ferais le grand saut, celui de la vie ailleurs

Même si Papa et Maman nous ont beaucoup fait voyager, j'ai toujours imaginé ma vie en Belgique auprès de ma famille. Je n'ai jamais quitté la Belgique plus de quelques semaines et c'est sous la pluie et dans le spleen que ma vie devait se construire. Mais bien évidemment, rien ne peut contrecarrer le destin - hormis la prière sincère. 


Mais je ne fais pas cette prière, parce que je sais que depuis toujours mon coeur tend vers Jérusalem. Quand je déambule dans les allées de la vielle ville, je ne réalise pas toujours que je marche sur ces pierres d'un autre âge et que je passe à côté d'oliviers qui en ont tellement vu. Mais quand je m'en rends compte, quel émerveillement emplit mon coeur! Moi qui aimais tellement les histoires du cours de religion qui nous transportaient en Palestine, voilà que notre fille y naitra et qu'on lui racontera ces mêmes histoires, assis sur un muret de l'Esplanade des mosquées ou sur un banc du Mont des Oliviers. 

Quoi qu'il en soit, vivre ailleurs n'est pas une mince affaire, et s'adapter à un monde si différent ne se fait pas du jour au lendemain. Même si j'y ai déjà passé beaucoup de temps et que j'y ai mes habitudes et mes repères, la perspective d'y déménager n'est pas sans crainte. 

Je vous écrirai ici jusqu'au déménagement et après, une fois que l'on sera installés, ce sera un moyen pour moi de vous donner des nouvelles et de vous tenir au courant de toutes nos aventures (à trois!). 

Pauline


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